La commune de Laon avait donné à bail à une Maison des Jeunes et de la Culture (MJC), association loi 1901, un local situé dans un ensemble immobilier dont elle était propriétaire.
L’immeuble ayant été détruit à la suite d’un incendie, la compagnie Assurances générales de France (AGF), assureur de la commune, a indemnisé cette dernière puis a assigné la MJC et la Mutuelle d’assurances des instituteurs de France (MAIF), assureur de l’association, devant le Tribunal de grande instance.
Le juge judiciaire puis le juge administratif s’étant déclarés incompétents pour connaître du litige, la question de la compétence juridictionnelle a été tranchée par le Tribunal des conflits.
La jurisprudence de ce « gendarme des compétences » distingue l’action directe, prévue par l’article L. 124-3 du code des assurances, de l’action en responsabilité.
Si l’ordre juridictionnel compétent pour connaître de la seconde dépend notamment de la nature juridique de l’auteur du sinistre, du contrat et/ou de l’activité à l’origine du fait générateur de responsabilité, la première relève de la seule compétence du juge judiciaire dans la mesure où l’obligation de réparer qui pèse sur l’assureur est une obligation de droit privé.
C’est cette solution traditionnelle que le Tribunal des conflits a appliqué dans sa décision du 17 décembre 2007 pour décider que le litige opposant la compagnie AGF à la MAIF relevait de la compétence de l’ordre judiciaire.
Ayant à juger de l’action engagée par AGF à l’encontre de la MAIF sur renvoi du Tribunal des conflits, la Cour d’appel d’Amiens a considéré ne pas devoir s’interroger sur le moyen, soulevé par la MAIF et la MJC, et tiré de la compétence de l’ordre administratif pour connaître de l’action en responsabilité contre l’auteur du dommage du fait de l’existence d’une convention d’occupation du domaine public.
Dans son arrêt du 23 juin 2010, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel en se référant à la décision du Tribunal des conflits qui avait précisé que si l’action directe de l’assureur de la victime contre l’assureur de l’auteur du dommage relevait de la compétence du juge judiciaire, il appartenait en revanche aux juridictions de l’ordre administratif de connaître de l’action en responsabilité contre l’auteur du dommage.
La juridiction suprême de l’ordre judiciaire a ainsi estimé que la Cour de renvoi avait dépassé les limites de sa compétence en jugeant que la MJC était responsable du sinistre alors qu’elle aurait dû, en tenant compte des motifs de la décision du Tribunal des conflits, se poser la question de la compétence, surseoir à statuer et renvoyer cette question de la détermination de la responsabilité au juge administratif dès lors que l’action directe n’est fondée que si la responsabilité de l’assuré, en tant qu’auteur du dommage, est établie (Cass Civ. 1, 29 février 2000, n° 99-11.811).
La question de la compétence juridictionnelle est d’autant plus déterminante qu’en l’espèce, s’agissant d’un préjudice consécutif à un incendie, le régime de la responsabilité diffère, de manière non négligeable, selon l’ordre juridictionnel qui est amené à en connaître.
Il convient de noter que l’avis contentieux rendu par le Conseil d’Etat le 31 mars 2010 (CE, avis, 31 mars 2010, Madame Gilberte Renard, n° 33627) est revenu sur le fondement de la solution retenue par le Tribunal des conflits dans la décision commentée en liant la nature de l’obligation de l’assureur, et partant la compétence juridictionnelle, à la nature du contrat d’assurance
La solution aurait cependant été la même en l’espèce dans la mesure où le contrat liant la MJC à son assureur était un contrat de droit privé.
Cass Civ. 1, 23 juin 2010, MJC de Laon et Cie MAIF c/ Société Allianz, n°09-14.592 ; TC, 17 décembre 2007, Cie AGF IART c/ Cie MAIF, n°3633