L’action directe ouverte par l’article L. 124-3 du code des assurances à la victime d’un dommage, ou à son assureur subrogé dans ses droits, contre l’assureur de la personne publique responsable du sinistre, est de la compétence exclusive de la juridiction administrative (CE, avis, 31 mars 2010, Madame Gilberte Renard, req. n° 333627)

Dans un avis contentieux rendu le 31 mars 2010, le Conseil d’Etat a décidé que l’action ouverte par l’article L. 124-3 du code des assurances à la victime d’un dommage, ou à l’assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l’assureur de la personne publique responsable, relève de la compétence de la juridiction administrative dès lors que le contrat d’assurance présente le caractère d’un contrat administratif.

La Haute juridiction revient ainsi sur une solution ancienne : l’action directe ne pouvait en effet être portée que devant le juge judiciaire, cette compétence étant justifiée par la nature privée de l’obligation de l’assureur de réparer le dommage. (TC 3 mars 1969 Esposito ; CE 8 décembre 1978, Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics).

En effet, cette solution était motivée, notamment, par la nature privée des contrats d’assurance. Elle ne pouvait perdurer dès lors que les contrats d’assurance passés par certaines personnes publiques, soumis au code des marchés publics, sont des contrat administratifs en application de l’article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

Dès lors, l’obligation de réparer qui pèse sur l’assureur de la personne publique responsable résulte d’un contrat de droit public. L’action directe, qui poursuit l’exécution de cette obligation, relève donc de la compétence de la juridiction administrative.

Toutefois, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges introduits devant lui avant la date d’entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 2 de cette loi.

Afin de répondre de manière exhaustive aux questions qui lui étaient posées, le Conseil d’Etat précise « qu’il n’appartient pas au juge administratif de rechercher d’office si le sinistre à l’origine du litige est au nombre de ceux couverts par la garantie de l’assureur ».

Les conséquences pratiques de cet avis sont nombreuses :

  • Tout un pan du contentieux de l’action directe de la victime ou de son assureur contre la personne publique ou son assureur est transféré du juge judiciaire vers le juge administratif. L’impact de ce « transfert de compétence juridictionnelle » sera sans doute considérable, par exemple en droit de la construction lorsque le maître d’ouvrage est une personne publique.
  • On peut prévoir le développement d’un « contentieux administratif de la police d’assurance » relatif par exemple à l’interprétation ou l’opposabilité des clauses d’exclusion ou de limitation de garantie, au champ d’application de l’assurance dommage-ouvrage, mais aussi, au-delà, à l’obligation de conseil qui pèse sur l’assureur.

La question est de savoir si le juge administratif fera siennes les solutions – parfois très évolutives – dégagées par la Cour de cassation. A suivre…

 CE, Avis, 31 mars 2010, n° 333627 

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