Les dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ne font pas obstacle à ce que seule une fraction du préjudice soit mise à la charge de l’ONIAM. Elles s’opposent en revanche à ce que soient pris en charge par l’Office, au titre de la solidarité nationale, les préjudices des victimes par ricochet (CE, 30 mars 2011, Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux c/ M. et Mme Jean-Paul A, req. n° 327669)

Alors qu’il venait de subir une intervention chirurgicale au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, Monsieur A a présenté une complication qui, faute d’avoir été traitée à temps, a provoqué un accident vasculaire cérébral à l’origine de multiples séquelles entraînant pour le patient une incapacité permanente partielle de 85%.

A la suite de l’avis de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux d’Aquitaine qui a estimé que le dommage devait être indemnisé par l’assureur du CHU à hauteur de 80% et par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à hauteur de 20%, la victime, son épouse et la caisse primaire d’assurance maladie de Charente-Maritime, considérant que les offres d’indemnisation définitives étaient insuffisantes, ont saisi la juridiction administrative.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux ayant mis à la charge de l’ONIAM 20% des préjudices ou débours de Monsieur A, de son épouse et de la caisse primaire d’assurance maladie, l’Office a formé un pourvoi en cassation contre son arrêt.

Par la décision commentée rendue le 30 mars 2011, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt d’appel en tant qu’il avait mis à la charge de l’ONIAM le versement d’une indemnité à l’épouse de la victime et à la caisse primaire d’assurance maladie. Il l’a en revanche confirmé s’agissant de la prise en charge de 20% du préjudice de la victime par l’Office.

La Haute juridiction a en effet considéré « que si les dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l’ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d’un dommage en vertu du I du même article, elles n’excluent toute indemnisation par l’office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d’un fait engageant leur responsabilité ; que dans l’hypothèse où un accident médical non fautif est à l’origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnées au I de l’article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d’échapper à l’accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d’éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l’accident non fautif ; que par suite un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l’ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l’article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l’indemnité due par l’ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l’ampleur de la chance perdue ».

En l’espèce, les juges du Palais Royal ayant relevé que les complications post-opératoires dont Monsieur A avait été victime constituaient la réalisation d’un risque inhérent à l’intervention subie et qu’elles avaient entraîné pour lui des conséquences anormales excédant dans leur ensemble le degré de gravité défini par l’article D. 1142-1 du code de la santé publique ont considéré que la réparation de ce préjudice résultant de l’aléa thérapeutique, évalué à 20% du préjudice total, incombait à l’ONIAM au titre de la solidarité nationale.

S’agissant de la part du préjudice évaluée à 80%, celle-ci correspond à la perte de chance d’éviter les conséquences de l’aléa thérapeutique résultant du retard dans la prise en charge postopératoire constitutif d’une faute du service hospitalier dont la réparation ne saurait incomber à l’ONIAM dès lors que, en vertu des dispositions de l’article L. 1142-1 I du code de la santé publique, la responsabilité du fait des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soin résultant d’une faute incombe aux professionnels de santé.

Cet arrêt est important dans la mesure où le Conseil d’Etat juge que lorsqu’un accident médical n’est pas dû à une faute mais qu’une faute a fait perdre au patient une chance de l’éviter, l’ONIAM n’est tenu d’indemniser le patient, au titre de la solidarité nationale, que des conséquences de l’accident non-fautif.

Ce faisant, le Conseil d’Etat rappelle une solution déjà retenue par certaines cours d’appel et selon laquelle les dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique n’excluent toute indemnisation par l’office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d’un fait engageant la responsabilité d’un professionnel de santé ou d’un établissement, service ou organisme dans lequel sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins mentionné au I du même article.

Cette décision est également intéressante à un autre égard puisque la Haute juridiction juge que les dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique excluent que l’ONIAM répare des préjudices autres que ceux subis par le patient si celui-ci n’est pas décédé et refuse ainsi d’admettre qu’il puisse être mis à la charge de l’Office la réparation de 20% des préjudices subis en propre par l’épouse de la victime ainsi que le remboursement, à la caisse primaire d’assurance maladie, de 20% des frais exposés par elle à raison de l’état de santé de Monsieur A.

En effet, les dispositions du code de la santé publique ne prévoient d’indemnisation par l’ONIAM que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit.

 

CE, 30 mars 2011, ONIAM c/ M et Mme Jean-Paul A, req n° 327669 

 

 

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