Le litige né à la suite de la vente, conclue entre deux personnes privées, d’un terrain ayant antérieurement appartenu au domaine public et supporté une installation classée exploitée par l’établissement public propriétaire, relève de la compétence du juge judiciaire pour ce qui concerne les demandes d’indemnisation des préjudices liés au contrat de vente et du juge administratif s’agissant des demandes d’indemnisation des préjudices liés à la mauvaise exécution de l’obligation légale de remise en état née du fonctionnement de l’ouvrage public que constituait l’installation classée (TC, 4 juillet 2011, Sociétés civiles immobilières « Malesherbes Opéra » et « La Villa Blanche », n° 3793).

Ayant acquis de la Société d’économie mixte d’aménagement de la ville de Paris (SEMAVIP), un terrain aux fins d’y construire des immeubles d’habitation et des parkings, les SCI Malesherbes Opéra et La Villa Blanche ont dû interrompre les travaux de construction à la suite de la découverte de résidus de pollution.

Anciennement propriétaire des terrains, la SNCF y avait en effet exploité une installation classée au sens de la loi du 16 avril 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement jusqu’en 1994.

A la suite de la cessation d’exploitation, le terrain, incorporé jusqu’alors au domaine public de la SNCF, avait été déclassé avant de faire l’objet de travaux de dépollution par la société Antéa et d’être transféré à Réseau Ferré de France (RFF) en application de la loi du 13 février 1997 portant création de l’établissement public « Réseau Ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire.

RFF avait ensuite cédé les parcelles à la SEMAVIP qui elle-même les avait vendues aux deux SCI mentionnées ci-avant.

Saisis tour à tour par les SCI Malesherbes Opéra et La Villa Blanche souhaitant, d’une part, voir condamner conjointement et solidairement la SNCF et RFF à leur reverser une part des frais engagés par elles au titre de l’évacuation des terres polluées et, d’autres part, voir condamner conjointement la SNCF, RFF et la SEMAVIP à réparer les préjudices qu’elles ont subis du fait du retard pris dans les travaux, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Paris et le Tribunal administratif de Paris ont tous les deux décliné leur compétence.

Le Tribunal des conflits a donc été saisi de ce conflit négatif et a dû se prononcer sur la question de la compétence juridictionnelle concernant ce litige relatif aux conséquences dommageables de l’existence de résidus de pollution sur le terrain sur lequel la SNCF avait exploité une installation classée, qui avait été transféré à RFF puis vendu par celui-ci à la société SEMAVIP et enfin revendu par cette dernière aux sociétés Malesherbes Opéra et La Villa Blanche.

Par une décision rendue le 4 juillet 2011, le juge des conflits a considéré que le litige en cause relevait pour une part de la compétence de la juridiction administrative et pour l’autre de la compétence de la juridiction judiciaire.

S’agissant des demandes relatives aux préjudices liés à l’interruption des travaux, au retard dans la livraison des lots et aux frais financiers engendrés par ce retard, demandes visant à obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle découlant du contrat de vente portant sur un terrain devenu privé à la suite de son déclassement, le juge judiciaire est seul compétent.

Ainsi, les demandes formulées par les SCI à l’encontre de la SEMAVIP et de RFF pris en sa qualité de propriétaire et vendeur du terrain, demandes fondées sur les relations contractuelles liant des personnes de droit privé et tendant à l’indemnisation des dommages liés à l’interruption des travaux, devront être portées à la connaissance du Tribunal de grande instance. Il en va de même de la demande de la SEMAVIP tendant à ce que RFF la garantisse des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre sur ce fondement.

En revanche, les demandes relatives aux préjudices liés à la nécessité de procéder à la dépollution du site relèvent de la compétence du juge administratif dès lors qu’elles ont trait aux conditions d’exécution de l’obligation légale de remise en état née du fonctionnement de l’ouvrage public que constituait l’installation classée avant que le terrain ne fasse l’objet d’un déclassement, obligation incombant à la SNCF en tant que dernier exploitant. A cet égard il est intéressant de noter que la circonstance que la SNCF exploite un service public industriel et commercial est sans incidence sur la compétence juridictionnelle dès lors qu’est en cause le fonctionnement de l’installation classée qui, en l’espèce, avait le caractère d’un ouvrage public.

Ainsi, la partie du litige opposant les SCI, d’une part, et la SEMAVIP, d’autre part, à la SNCF et à RFF, en tant que cet établissement s’est substitué à la SNCF en qualité d’exploitant en vertu de l’article 6 de la loi du 13 février 1997 précitée, relèvent de la compétence du Tribunal administratif. Il en va de même de la demande de RFF tendant à ce que la SNCF et la société Antéa le garantissent des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre sur ce fondement.

Cette décision, si elle a pour conséquence d’attribuer à deux juridictions différentes le soin de statuer sur des questions relevant d’un même litige, n’en est pas moins conforme à l’état du droit qui veut que la connaissance des litiges mettant en cause un ouvrage public relève du juge administratif et que celle des litiges relatifs à des contrats de droit privé appartienne au juge judiciaire.

TC, 4 juillet 2011, SCI « Malesherbes Opéra » et « La Villa Blanche », n° 3793

 

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